Par UJA de Paris, 16 November 2008

Par Dominique PIAU Co-responsable de la Commission Formation Initiale-EFB-Collaboration de l'UJA


Il résulte de l’article 14 dernier alinéa de la Loi n°71-1130 du 31 Décembre 1971, devenu article 14 tout court après la Loi n°2004-130 du 11 Février 2004, que :« Les recours à l’encontre des décisions concernant la formation professionnelle sont soumis à la cour d’appel compétente. »Cet article n’allait pas sans poser une difficulté particulière compte tenu de la nature des établissements chargés de la formation professionnelle des avocats : les CRFP sont en effet des établissements publics dotés de la personnalité morale et chargés d’une mission de service public, et relèvent, au même titre que les Université, des juridictions administratives.Pourtant le législateur a souhaité attribuer une compétence spéciale pour les contentieux relatifs aux CRFP à la Cour d’Appel, au même titre que pour les contentieux relatifs aux décisions des Conseils de l’Ordre.La question s’était posée quand à l’étendue de la compétence de la Cour d’appel, une doctrine autorisée considérant que celle-ci n’était compétente qu’en ce qui concerne les programmes et les modalités d’enseignement et non sur les autres conditions de fonctionnement des centres de formation professionnelle (voir note sous Cour d’Appel de Paris 5 Janvier 1998, EFB, Gaz. Pal. 1998 p. 12).Certaines juridictions de fond s’étaient laissées aller à cette analyse (Cour d’Appel de Douai 6 Mars 2000, CRFP de DOUAI, inédit).La Cour de Cassation était venue mettre un terme à ce débat en considérant que :« (…) la délibération contestée intéressait la formation professionnelle en ce qu’elle déterminait les modalités d’accès pour les docteurs en droit ; qu’en ajoutant au texte susvisé une restriction qu’il ne comportait pas, en limitant la compétence de la cour d’appel à la connaissance du seul contenu et de la nature de la formation, la cour d’appel l’a violé par refus d’application ; (…) » (Cour de Cassation 1ère Chambre Civile 6 Avril 2004, CRFP de DOUAI, inédit).Ce faisant, il restait toutefois à délimiter la compétence de la Cour d’Appel au regard de l’étendue de la notion de formation professionnelle, et notamment des examens d’entrée aux CRFP organisés par les Universités.* La question s’était posée sous l’emprise de l’ancien article 12 quant à savoir si la compétence d’attribution spéciale de la Cour d’Appel concernait également les examens d’entrée dans les Centres de Formation Professionnelle.En effet, jusqu’en 2004, l’article 12 de la Loi de 1971 disposait que :« La formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat comprend, (…)1) Un examen d’accès à un centre régional de formation professionnel (…) ».La rédaction de l’article 12 laissait entendre que les examens d’entrée aux CRFP étaient inclus dans la formation professionnelle des avocats.Les juridictions administratives avaient parfois retenues leur compétence (Tribunal Administratif de Toulouse 19 Décembre 1997 UNIVERSITE DES SCIENCES SOCIALES DE TOULOUSE, inédit), avant de se raviser (Tribunal Administratif de Toulouse 15 Mars 2001, UNIVERSITE DES SCIENCES SOCIALES DE TOULOUSE confirmé par CAA de Bordeaux 15 Février 2005, inédits).Le Conseil d’Etat avait fini par décliner sa compétence au profit du juge judiciaire (Conseil d’Etat 29 Juillet 2002 UNIVERSITE DE PARIS XIII).Toutefois, les juridictions administratives continuaient de faire de la résistance (Tribunal Administratif de Marseille 15 Juillet 2004 UNIVERSITE d’AIX-MARSEILLE IIII annulé par CAA de Marseille 14 Février 2006).De leur côté, les juridictions de l’Ordre Judiciaire ne s’étaient pas faites prier pour se déclarer compétente (Cour d’Appel de Versailles 19 Septembre 2001 UNIVERSITE PARIS X NANTERRE confirmé par Cour de Cassation 1ère Civile 14 Juin 2005).Dans cette dernière affaire, le Tribunal Administratif de Paris s’était déclaré incompétent, par un jugement en date du 31 janvier 2001, ce qui avait conduit le requérant à saisir le Cour d’Appel de Versailles, qui avait retenue sa compétence bien que le Ministère Public ait contesté celle-ci.Devant le Cour de Cassation le requérant avait … contesté la compétence de la Cour d’Appel, moyen rejeté par la Cour de Cassation au motif que :« (…) selon l’article 12 de la loi du 31 décembre 1971 (…) la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat comprend notamment un examen d’accès à un centre régional de formation, (…) au termes de l’article 14 de la même loi les recours à l’encontre des décisions concernant la formation professionnel sont soumis à la cour d’appel compétente (…) il résulte de l’application combinée de ces dispositions que le contentieux des délibérations du jurys de l’examen d’accès au centre e formation relève de la compétence de la cour d’appel (…) »Si du strict point de vue de l’analyse littérale des textes la solution retenue semblait devoir être approuvée, elle apparaissait plus contestable sur le plan des principes au regard d’une part du fait que les candidats à l’examen d’entrée aux CRFP n’était pas encore en cours de formation professionnelle, et d’autre part du fait que ces examens étaient organisés par l’Université et non par les CRFP eux-mêmes.Or dans l’esprit du législateur, la compétence d’attribution spéciale prévue à l’article 14 concernait les décisions des CRFP et non celles des Universités.* La Loi n°2004-130 du 11 Février 2004, est venue modifier l’article 12 de la Loi de 1971, lequel dispose désormais que :« (…) la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat est subordonnée à la réussite d’un examen d’accès à un centre régional de formation professionnel (…) ».Cette modification marquait un retour à une plus stricte délimitation du domaine de la formation professionnelle des avocats.Néanmoins, sous l’emprise du nouveau texte, les juridictions de l’Ordre judicaire continuaient de retenir leur compétence (Cour d’Appel de Besançon 14 Septembre 2005 UNIVERSITE DE FRANCHE COMTE, inédit).Et ce malgré le fait que la nouvelle rédaction de l’article 12 était venue mettre à néant le fondement même de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire : initialement inclus par la Loi de 1971 dans le contenu de la formation professionnelle des avocats, l’examen d’entrée aux CRFP était devenu une condition préalable à l’accès à cette même formation professionnelle.Les juridictions administratives auraient dès lors été en mesure de se réapproprier le contentieux des décisions relatives aux examens d’entrée des CRFP.Pourtant, saisi d’un recours à l’encontre de l’examen d’entrée à l’EFB organisé en 2005 par l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, le Tribunal Administratif de Paris se déclarait incompétent par une Ordonnance en date du 14 Février 2005…Saisi à son tour du même contentieux, la Cour d’Appel de Paris avait, par un Arrêt en date du 27 Octobre 2005 renvoyé au Tribunal des Conflits le soin de décider de la question de la compétence.Ce faisant la Cour d’Appel de Paris faisait preuve de sagesse en laissant au Tribunal des Conflits le soin de trancher définitivement cette question.C’est ainsi que par une décision en date du 18 Décembre 2006, le Tribunal des Conflits a estimé que :« Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 31 décembre 1971, dans sa rédaction issue de l’article 15 de la loi du 11 février 2004, « la formation professionnelle exigée pour l’exercice de la profession d’avocat est subordonnée à la réussite à un examen d’accès à un centre régional de formation professionnelle et comprend une formation théorique et pratique d’une durée d’au moins dix-huit mois sanctionnée par le certificat d’aptitude à la profession d’avocat. » ; qu’aux termes de l’article 14 de la même loi « les recours à l’encontre des décisions concernant la formation professionnelle sont soumis à la cour d’appel compétente. » ; que les recours visés par ces dernières dispositions ne comprennent pas ceux concernant l’examen d’accès à un centre régional qui ne fait pas partie, selon l’article 12, de la formation professionnelle des avocats ;Considérant, d’autre part, que l’article 51 du décret du 27 novembre 1991 dispose : « pour être inscrits à un centre régional de formation professionnelle, les candidats doivent avoir subi avec succès l’examen d’accès au centre Cet examen, qui comporte des épreuves écrites d’admissibilité et des épreuves orales d’admission, est organisé par les universités qui sont désignées à cet effet par le recteur d’académie, après avis du garde des sceaux, ministre de la justice. » ;Qu’il suit de là que le recours formé par M. A contre la délibération du jury de l’examen d’accès au centre régional de formation professionnelle des avocats du ressort de la cour d’appel de Paris, organisé par l’université de Paris I Panthéon - La Sorbonne, établissement public à caractère administratif, ressortit à la compétence de la juridiction administrative ; »Annulant la procédure suivie devant la Cour d’Appel de Paris, ainsi que l’ordonnance du Tribunal Administratif de Paris en date du 14 Février 2005, le Tribunal des Conflits a renvoyé les parties devant le…Tribunal Administratif de Paris, auquel il appartiendra d’examiner l’affaire au fond.Le Tribunal des Conflits a ainsi (ré)attribué aux juridictions administratives la compétence pour connaître des recours à l’encontre des décisions relative aux examens d’entrée au CRFP.Désormais :
  • le recours à l’encontre des résultats des examens d’entrée aux CRFP relève de la compétence des juridictions administrative, et en premier ressort du Tribunal Administratif du ressort de l’Université organisant l’examen,
  • un tel recours doit être dirigé contre l’Université organisant les examens, et non contre les Instituts d’Etude Judicaires, lesquels ne sont pas dotés de la personnalité morale (Cour de Cassation 1ère Chambre Civile 25 Janvier 2005, IEJ de PARIS II PANTHEON-ASSAS).

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