Par UJA de Paris, 06 September 2023

rapport

UJA - Le Mag de l'été 2023

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Par Léonore Bocquillon

Les articles 21 de la loi du 31 décembre 1971 et 179-1 du décret du 27 novembre 1991 prévoient que le bâtonnier concilie tout différend entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel et, en l'absence de conciliation, tranche la question en première instance.

Aucune procédure de conciliation particulière n'est prévue par les textes, mais il était admis qu'à défaut de tentative de conciliation préalable, les demandes présentées devant la juridiction du Bâtonnier étaient irrecevables.

C'est dans ces conditions que, au regard du nombre de collaborateurs et de conflits en découlant, le Bâtonnier de l'Ordre du Barreau de Paris a mis en place deux commissions de conciliation dédiées aux problèmes de collaboration :

- la SDR (commission collaboration Salariée et Demande de Requalification), compétente pour les contrats de collaboration salariés et les demandes de collaborateurs libéraux sollicitant une requalification en salariat ;

- la DEC, (commission Difficultés d'Exercice en Collaboration), compétente pour toutes les autres difficultés entre un collaborateur libéral et le cabinet.

Ces commissions sont d’une rare efficacité et permettent d'obtenir un taux de conciliation de plus de 80 % à l'issue d'une pré-procédure extrêmement rapide : le délai moyen de convocation pour une audience de conciliation est de trois semaines et les reports sont rares. Il convient de préciser sur ce point que, si dans un premier temps les commissions pouvaient pousser à l’accord au mépris éventuel des intérêts de l’une ou de l’autre des parties, depuis plusieurs années, la pratique démontre que les commissions de conciliation veillent à engager les parties vers un accord équitable.

Toutefois, par un arrêt du 8 mars 2023, la Cour de cassation a rejeté la jurisprudence admise et a précisé qu'aucune procédure de conciliation spécifique n’étant rendue obligatoire par les textes et aucune fin de non-recevoir n’étant prévue, les demandes présentées devant la juridiction du Bâtonnier ne peuvent pas être déclarées irrecevables au motif qu’elles n’auraient pas été soumises préalablement à la conciliation devant le bâtonnier. Une simple mise en demeure suffit (Cass. Civ. 1, 8 mars 2023, n° 22-10679).

Cet arrêt est juridiquement exact : on ne peut pas sanctionner par une irrecevabilité le défaut de respect d'une procédure envisagée par les textes, lorsque ceux-ci ne prévoient pas la fin de non-recevoir le sanctionnant. Cette solution permet également de prévenir toute difficulté de prescription : une saisine de la commission de conciliation la veille de la prescription n’interromprait pas le délai et il convient impérativement de saisir la juridiction du Bâtonnier avant la date fatidique.

Est-ce pour autant la fin des commissions DEC et SDR ?

Il serait regrettable que les collaborateurs se privent d'un organe efficace qui permet de nombreuses conciliations dans des délais records.

La juridiction du Bâtonnier est tenue de rendre sa décision dans un délai de quatre mois renouvelable une fois, mais les délais s'allongent de manière considérable en cas d’appel : aucune décision ne sera rendue avant un an et demi à deux ans.

Il ne faut pas non plus négliger la susceptibilité de ceux qui seront appelés à trancher le litige. Il y a fort à parier que le Délégué du Bâtonnier chargé de rendre une décision pourrait être contrarié de voir que les parties n’ont pas recouru au préalable de conciliation mis en place par les services de l'Ordre.

Ainsi, on ne peut que conseiller aux collaborateurs et aux collaborants de continuer à faire appel aux commissions DEC ou SDR pour tenter de trouver un accord avant tout procès et éviter tant que possible une procédure longue et pénible.

La conciliation obligatoire est morte, vive la conciliation !


Extraits de l’arrêt du 8 mars 2023 de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation :

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 7 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée et 142 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié :

6. Selon le premier de ces textes, les litiges nés d'un contrat de travail ou d'un contrat de collaboration libérale sont, en l'absence de conciliation, soumis à l'arbitrage du bâtonnier.

7. Selon le second, à défaut de conciliation, le bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat collaborateur ou salarié est inscrit est saisi par l'une ou l'autre des parties et l'acte de saisine précise, à peine d'irrecevabilité, l'objet du litige, l'identité des parties et les prétentions du saisissant.

8. Si ces dispositions prévoient une conciliation préalable à l'arbitrage du bâtonnier, elles n'instaurent toutefois pas une procédure de conciliation obligatoire dont le non-respect serait sanctionné par une fin de non recevoir.

9. Pour déclarer irrecevable la requête aux fins d'arbitrage formée le 1er décembre 2020 par Mme [Y], l'arrêt retient que la procédure de conciliation pour les litiges nés à l'occasion d'un contrat de collaboration entre avocats est un préalable obligatoire à l'engagement de toute action contentieuse auprès du bâtonnier et relève que Mme [Y], s'étant bornée à adresser, le 6 novembre 2020, à la société PVB avocats une mise en demeure d'avoir à lui régler les sommes dues au titre de son préavis, n'a présenté aucune demande de conciliation.

10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

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