Par UJA de Paris, 27 November 2018

  
 LA COLLABORATION LIBERALE : ON EN EST OÙ ? Par Anne-Laure CASADO Candidate au Conseil de l’Ordre


PRESENTEISME : ET SI ON REPENSAIT LA VALEUR DU TEMPS DANS LA COLLABORATION LIBERALE ?

La question du temps est au centre de notre profession : nous courrons toujours derrière le temps pour satisfaire aux besoins de nos clients, développer notre activité, concilier les sphères professionnelles et familiales, etc. Aujourd’hui, il est établi que la nouvelle génération souhaite « occuper un emploi passionnant mais équilibré et faisant partie d’une vie bien remplie (…). Si la pratique ne s’adapte pas, c’est la qualité des services rendus qui en souffrira »[1].

Ce changement de mentalité est en lien avec l’évolution de notre société où l’égalité entre les hommes et les femmes se met progressivement en place dans les rapports quotidiens. Tant les hommes que les femmes souhaitent s’investir à la fois dans les sphères professionnelles et familiales : les hommes revendiquent un droit à la parentalité, les femmes s’imposent comme des actrices incontournables du modèle économique. Or, l'organisation des cabinets d’avocats n’a pas évolué au vu de ce changement de modèle. De nombreuses contraintes demeurent en lien avec un ancien système, qui ne permet pas l’épanouissement sur le plan professionnel et familial.

Le choix d’une facturation au temps passé est l’illustration de cet ancien système, qui ne répond plus aux attentes de nos clients, entreprises ou particuliers, qui souhaitent bénéficier d’une véritable visibilité sur les honoraires. Ce système est également devenu au sein des cabinets un véritable outil de management des collaborateurs. Ce sera ainsi sur les « time sheets » des collaborateurs que s’effectuera leur évaluation, qui sera tournée sur leur rentabilité et non sur la qualité de leur travail.

Ce système a pour effet pervers de récompenser l’avocat le moins efficace, le plus lent, au détriment d’autres avocats plus efficaces, dont les travaux sont tout autant qualitatifs. Il sera répondu qu’un contrôle des temps entrés est effectué afin d’harmoniser la facturation, ce qui passe nécessairement par une réduction des temps du collaborateur ayant été le plus lent. Il s’agit là encore d’une difficulté du système. En effet, ce temps est pourtant fondamental à l’avocat pour lui permettre de se former continuellement, afin d’être plus performant et de donner satisfaction aux clients.

Ce système favorise clairement la culture du présentéisme, qui se manifeste également par une sur facturation des collaborateurs : la pratique des mails de relance pour atteindre son objectif horaire, la compétition entre collaborateurs pour obtenir les dossiers où il est « plus facile » de facturer en fonction du poids économique du client, etc. Il est inacceptable que les time sheets soient utilisées comme un outil de management des collaborateurs. De telles pratiques sont inconciliables avec les exigences de la collaboration libérale telle que définie à l’article 14 du RIN, puisqu’elles rendent impossible le développement d’une clientèle personnelle.

L’UJA avait détaillé la journée d’un collaborateur au vu des contraires horaires : « à titre d’exemple, pour un objectif annuel de 1.850 heures facturables, il s’agit de 1.850 h / 226 jours (365 jours – 104 jours de weekend – 10 jours fériés – 25 jours de congé) soit 8 ,19 heures facturables par jour. Pour aboutir à un tel chiffre le collaborateur doit en réalité prester entre 12 et 13 heures quotidiennement »[2]. Avec un tel rythme le collaborateur n’est pas en mesure de se consacrer au développement de sa clientèle, s’investir dans sa vie familiale ou encore dans une activité pro bono.

Cette culture du présentéisme est contraire à la mise en place d’une véritable égalité professionnelle. Dès qu’il s’agit de construire une vie familiale, ce système met de côté les femmes, qui, au vu des injonctions culturelles qui pèsent sur elles, assument plus les obligations liées à la parentalité que les hommes.

Ce système est également pervers en termes de management des cabinets d’avocats : existence d’un turn-over important à gérer, sur facturation de la part des avocats difficilement explicable aux clients, réputation du cabinet auprès des confrères…

Il est aujourd’hui nécessaire de repenser la notion du temps dans la collaboration libérale. Il existe pour ce faire différents modes de facturation, qui répondent aux attentes des clients et permettent de mieux valoriser le travail qualitatif au lieu de favoriser à outrance le présentéisme. Cette réflexion est nécessaire pour définir un nouveau modèle économique prenant en compte les attentes de la nouvelle génération et celles des clients.



LE COLLABORATEUR AU CENTRE DES COMBATS DE L’UJAL’UJA de PARIS a toujours œuvré, et est à l’origine, d’améliorations du statut du collaborateur, quelques exemples :
  • Création du Tarif UJA qui est devenu LA référence en matière de rétrocession des collaborateurs même s’il ne faut pas oublier qu’il n’est en réalité qu’un minimum pour vivre, base de départ de la négociation de la rémunération, et non un plafond ou un idéal (1972) ;
  • Recours judiciaires couronnés de succès contre les droits d’inscription disproportionnés à l’EFB (1998 et 2006) ;
  • Mise en place des gratifications minimales des stagiaires (2007) ;
  • Allongement de la durée du préavis en fonction de l’ancienneté de la collaboration (11 juin 2010) ;
  • Combat pour l’allongement du congé maternité de 14 à 16 semaines dès 2007, couronné de succès (2011) ;
  • Limitation de la durée de la période d’essai des collaborateurs à 3 mois (7 janvier 2011) ;
  • Mise en place d’un entretien annuel sur la carrière du collaborateur et son avenir dans la structure (2012);
  • Adoption du congé paternité (26 mars 2011) et allongement de 11 jours à 4 semaines (mars 2014) ;
  • Instauration d’une période de protection de deux mois au retour de congé maternité des collaboratrices (mars 2013) ;
  • Modification de l’article 14 du RIN visant la remise des documents à l’élaboration desquels le collaborateur a prêté son concours lors de son départ du Cabinet en 2017.

L’UJA de Paris milite toujours activement pour :

  • Une obligation de formation des avocats supervisant des collaborateurs : déontologie, management ;
  • La protection des collaborateurs et collaboratrices au retour des congés paternité et maternité de 8 semaines à 4 mois ;
  • La gestion par les cabinets des demandes d’indemnisation et l’avance par l’Ordre des indemnités RSI et prévoyance ;
  • L’augmentation des indemnités de congé maternité/paternité ;
  • L’alignement du Tarif minimum de l’Ordre sur le tarif UJA pour les deux premières années.


SOS COLLABORATEURS : LE REFLEXE A AVOIRCréé en 2000, SOS COLLABORATEURS est un service anonyme et gratuit d’aide, d’écoute et d’assistance destiné aux collaboratrices et collaborateurs. Les membres de ce service vous accompagnent, vous conseillent et vous défendent en cas de litige avec votre cabinet, (harcèlement, rétrocessions impayées, contrat rompu sans délai…)Une équipe d’avocats bénévoles de l’UJA spécialement formés est à votre écoute gratuitement et dans le plus strict anonymat. Ils sont mobilisés pour répondre aux questions qui leur sont posées et/ou assister les collaborateurs dans le cadre des litiges qui les opposent à leurs cabinets, à la fois devant les commissions spéciales de l’Ordre puis, le cas échéant, devant le Bâtonnier et/ou devant la Cour d’appel de Paris.Le service SOS collaborateurs, a de fait une véritable connaissance du terrain et de la pratique du contrat de collaboration, et informe la Commission Permanente de l’UJA de Paris des difficultés et questions des collaborateurs. Cette base permet à l’UJA de demeurer force de propositions pour l’amélioration du statut et de faire avancer les droits des collaborateurs.SOS Collaborateurs en chiffres 2017/2018 :
  • 890 collaborateurs renseignés par notre équipe
  • 52 collaborateurs assistés devant les commissions de conciliation et autres commissions de l’Ordre (déontologie – discipline – financière)
  • 25 décisions obtenues du Bâtonnier, de la Cour d’appel de Paris ou du Défenseur des droits que nous avons commencé à saisir sur les questions de discriminations.
Ayez le réflexe SOS collaborateurs !

POUR PERMETTRE A L’UJA DE

CONTINUER SES COMBATS EN FAVEUR DES COLLABORATEURS,

LES 4 ET 6 DECEMBRE VOTEZ ET FAITES VOTER

POUR NOS CANDIDATS : ANNE-LAURE CASADO ET ERIC LE QUELLENEC



[1] Barreau du Quebec, Les avocats de pratique privée en 2021, Rapport du Comité sur les problématiques actuelles reliées à la pratique privée et l’avenir de la profession, juin 2011, p. 52[2] Les « hungers games » du collaborateur (partie 2) : la dictature des « times sheets » par Caroline Luche Rocchia

L’UJA remercie ses partenaires: